Le Hasard et la Méthode, par Pierre Verbeure
Hasards Absolus
Dans le cadre de son Essai consacré au HASARD et la Méthode, Pierre VERBEURE propose de poursuivre l’approche sémantique du HASARD avec les « Hasards Absolus ». Une grande famille de Hasards dépourvus de toute stratégie connue et pour lesquels les concours de circonstances (causes) débouchent, de facto, sur des « Co-incidences ». Des relations de causes à effets confirmées par la sagesse populaire qui parle de suite à des « Concours de Circonstances » (causes) et non en réponse à des « Co-ïncidences », consciente que ces dernières appartiennent aux conséquences des premières!
Une analyse partagée par l’Académie française qui affirme que « Les coïncidences correspondent à la simultanéité de deux ou plusieurs faits » sous-entendu antérieurs ! Et d’ajouter littéralement qu’on parle d’« une heureuse coïncidence, une curieuse coïncidence, par une série de coïncidences ». « Tout cela n’est que pures coïncidences, est dû au HASARD » ! Encore une fois, l’antériorité des circonstances (causes) ne souffre donc d’aucunes ambigüités.
La Grande Famille des Hasards Absolus
Quant aux proverbes, ils assimilent les « Hasards Absolus » aux « Plus Grands des Hasards ». Une formule populaire utilisée à l’emporte-pièce pour décrire des circonstances aussi imprévisibles que surprenantes dont le niveau de probabilité est inférieur à 10–9 (une chance/milliard). Valeur limite que nombre de philosophes et de scientifiques estiment comme incompatible avec les probabilités!
Parmi les meilleurs exemples, retenons, l’Effet Papillon, la Théorie du Chaos, l’Effet Cocktail, l’Effet Boomerang, la Loi de Murphy ou la Loi des Séries sans oublier les différentes formes de Sérendipités mentionnées ci-dessous à titre d’exemples. Sans oublier l’apparition de la Vie sur Terre qui appartient, elle aussi, à la grande famille des « Hasards Absolus ».
Hasards Absolus
L'Effet Papillon
L’Effet Papillon concerne une succession d’ « Evénements » si nombreux et si ténus que leur cheminement est impossible à suivre et à prévoir. Seuls les logiciels dotés d’algorithmes performants peuvent suivre temporairement les liens qui unissent les causes aux conséquences avec le concours de l’IA et des Generative Pretrained Transformer (GPT). Le meilleur exemple de l’« Effet Papillon » se rapporte aux prévisions météorologiques. Ce n’est donc pas étonnant si nous le devons à Edward Norton Lorenz, météorologue et mathématicien américain (1917-2008). Un des premiers prévisionnistes capable de modéliser les prévisions du temps durant la seconde moitié du 20° siècle au moment où le Docteur Sneyers, Directeur du Service climatique à l’IRM (Institut Royal Météorologique de Belgique) publie une brochure intitulée « Le Hasard en météorologie ».
Hasards Absolus
La Théorie du Chaos
En lien avec l’« Effet Papillon », la « Théorie du Chaos » fut, elle aussi, inventée par l’américain Edward Norton Lorenz, météorologue et mathématicien. Elle s’applique à tous les systèmes dynamiques comme la météorologie, la climatologie , la physique gravitationnelle et la physique quantique mais aussi la sociologie, l’économie ou la géopolitique. Sans oublier la faune et la flore capables de se développer dans un grand désordre apparent ! A ce titre, la permaculture est sans doute l’une des meilleures vitrines de cette théorie même si les conséquences relèvent des « Hasards Stratégiques » mis en place par la Nature ! Encore une fois, ce sont les causes, intimement liées au HASARD, qui déterminent la famille à laquelle appartiennent telle Théorie, telle Loi ou tel Principe !
Hasards Absolus
L'Effet Cocktail
L’« Effet Cocktail » s’adresse plus généralement aux multiples conséquences aléatoires que peuvent avoir divers produits chimiques utilisés simultanément. Parfois anodins lorsqu’ils sont utilisés séparément, certains s’avèrent toxiques voire mortels en présence d’autres substances. Un effet démultiplicateur souvent méconnu ou sous-estimé, détecté de façon empirique, faute d’avoir pu gérer les causes avec METHODE! Dans ces conditions, il est recommandé d’éviter l’administration aveugle et simultanée de plusieurs composés chimiques. Ces remarques sont valables pour les adeptes de la phytothérapie ou des régimes alimentaires potentiellement néfastes pour la santé. Il en va de même pour toute forme d’associations ou de combinaisons physico-chimiques dont les réactions en chaîne deviennent rapidement ingérables.
Hasards Absolus
L'Effet Boomerang
L’« Effet Boomerang » est le plus souvent invoqué pour parler des conséquences dues à une ou plusieurs causes dont la nature et l’antériorité sont aussi floues que leur enchaînement. Il évoque le plus souvent une ou plusieurs conséquences brutales imputables à une ou plusieurs cause (s) survenue(s) dans un passé plus ou moins lointain. Il est d’autant plus surprenant qu’il est inattendu, improbable et dépourvu de toute stratégie connue! Dépourvu de tout indice de probabilité tangible, le commun des mortels s’en est emparé sous la forme de métaphores comme « Recevoir la Monnaie de sa Pièce » ou « Subir un Retour de Manivelle » ou encore « Qui Sème le Vent Récolte la Tempête » ! Autant d’expressions populaires qui donnent tout son sens à l’« Effet Boomerang » en nous rappelant que le « Passé » peut se conjuguer, par HASARD, au « Présent » !
Hasards Absolus
La Loi de Murphy
Inventée par Edward A. Murphy, ingénieur américain de l’aérospatial, cette loi concerne surtout les problèmes de sécurités spécifiques à l’aviation. Et comme la sécurité passe par l’anticipation, (prévision) , la « Loi de Murphy » préconise l’utilisation de probabilités d’un genre un peu particulier. En réalité, elle ne fait appel au HASARD que pour mettre en garde à l’instar d’un homme de loi qui ne jugerai qu’à charge! S’agissant d’un ingénieur en aéronautique, on parle d’un noble défaut professionnel destiné à éviter les défaillances, de facto, désastreuses. Il n’hésite donc pas à préparer son auditoire en affirmant que « Tout ce qui est susceptible d’aller mal, ira mal » ! Et d’ajouter que « S’ il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une des deux peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette Voie ». Autrement dit, « Si cela peut se produire, cela se produira » ! Et « Pour éviter le pire, il faut s’y préparer puisque le pire est quasi certain » ! Même quand les indices de probabilités sont inférieurs à 10 -9 !?
Il faut avouer que cette loi dite de « Loi de l’Emmerdement Maximal » est parfois subjective. Notamment lorsqu’elle s’adresse à une file d’attente qui semble plus lente que ses voisines…Un ressenti qui tient plus de la « Loi de la vexation » qu’à la réalité. Idem pour les feux tricolores communément appelés « Feux rouges » en parfaite contradiction avec les offres statistiques.
En d’autres termes, il faut se méfier des analyses subjectives qui échappent à toute rationalité. N’oublions pas que les « Hasards Absolus » peuvent occasionnellement masquer l’existence de « Hasards Stratégiques » non détectés ou indétectables !
Hasards Absolus
La Loi des Séries
Eluder la « Loi des Séries » eut été impardonnable dans un ouvrage consacré au HASARD même si elle s’avère, elle aussi, plus empirique et intuitive que fondée. Au même titre que la sempiternelle maxime selon laquelle « Jamais deux sans trois » qui est invérifiable! Cette formule lapidaire utilisée à l’emporte-pièce ne repose sur aucune stratégie même si la loi de Murphy défend l’idée selon laquelle tout ce qui a pu se produire au moins deux fois a toutes les chances de se reproduire une autre fois ! Et pourquoi pas un certain nombre de fois supplémentaires en raison d’une dynamique qui nous échappe ?… En résumé, la « Loi des Séries » s’adresse aux conséquences de causes (hasards) aléatoires souvent inconnues ou méconnues et, à ce titre, elle relève des « Hasards Absolus »
Sérendipités et pseudo-Sérendipités
Sans entrer dans des considérations superfétatoires, retenons que les sérendipités s’adressent à toute découverte ACCIDENTELLE faite par HASARD et sans aucune forme d’intentionnalité ! Il s’agit d’un anglicisme inventé par Horace Walpole en 1754, repris par la communauté scientifique au milieu du XX° siècle avant d’être adopté par la francophonie en 1980. Il faudra attendre 2014 pour qu’il entre dans les dictionnaires francophones où il est présenté comme la « Capacité à faire une découverte ». Une adaptation (traduction) 1 plutôt surprenante pour un vocable initialement inventé pour parler de découvertes INOPINEES, étrangères à toute forme d’aptitude ou d’intentionnalité ! Nous pensons ici à la découverte absolument fortuite de certaines espèces animales ou végétales, de certains composés physiques ou chimiques, de nouveaux virus ou encore l’apparition de systèmes planétaires découverts par HASARD, sans qu’ils soient recherchés. Avec un indice de probabilité inférieur à 10 -9, ils appartiennent à la grande famille des « Hasards Absolus ».
Quant aux pseudo-sérendipités, elles s’en diffèrent par la chronologie des faits et, surtout, l’INTENTIONNALITE des recherches. Elles s’adressent à l’exploitation stratégique d’« Evénements » souvent accidentels , découvert(s) par HASARD, et dont les conséquences débouchent sur une invention qui ressemble à une sérendipité ! Parmi les nombreux exemples, retenons la pénicilline, la pasteurisation, la vulcanisation du caoutchouc, l’avènement du post-it , de la tarte tatin ou des « Bêtises de Cambrai ». Toutes ces inventions sont en réalité le fruit de stratégies d’OPTIMISATIONS développées par leurs inventeurs. Ces stratégies font alors basculer les pseudo-sérendipités dans la famille des « Hasards Stratégiques » avec un indice de probabilité généralement compris entre ½ et 10 -2. Seules les rares pseudo-sérendipités qui affichent un indice de probabilité proche ou inférieur à 10-9 conservent leur place au sein des « Hasards Absolus ». Nous pensons ici à la Vie sur Terre dont l’indice de probabilité peut être considéré comme très exceptionnel au regard des milliards d’astéroïdes observés jusqu’ici par les astrophysiciens et l’exploration spatiale en général !
1 Les verbes TRADUIRE et TRAHIR tirent leurs racines du verbe latin TRAHERE. D’où l’expression « Traduire c’est trahir » !